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Une donnée, plusieurs interprétations.
Au mois de Juillet, quelques jours après la publication d’une étude sur l’état du marché de l’emploi aux Etats-Unis, CNBC défraya la chronique avec un article tentant de s’attaquer aux « réelles » conséquences de la Grande Démission. Le média américain ne fit pourtant que reprendre la statistique choc de l’enquête citée : 26% des personnes ayant quitté leur emploi pendant le Covid ont par la suite regretté leur choix.
Une information qui s’est répandue comme une maladie infectieuse émergente, puisque dans la foulée, quasiment toute la démographie des sites d’actualités business/CSP+ ont renchéri sur le sujet : Forbes, Business Insider, CBS News, FOX Business…
CNN Business aura même tenté de partir à la cueillette aux témoignages (très) influencés, avant de subir de plein fouet la contre-offensive de différents forums et communautés en ligne. Ces derniers -toujours étonnamment bien organisés lorsqu’il s’agit de troller son prochain- ayant spammé le formulaire de messages au millième degré dignes d’un générateur de posts Linkedin malaisants.
Mais le plus intéressant dans cette histoire n’est pas la donnée brute, mais plutôt son utilisation.
Ici, elle sert de justification, presque d’avertissement : “Si vous démissionnez, vous allez le regretter, comme toutes ces personnes”.
Un parti-pris qui n’a pas forcément convaincu toute la frange des médias généralistes -moins à droite pour le coup- qui ont traité le même sujet, avec la même statistique, mais dans l’autre sens : “74% des personnes ayant démissionné pendant le Covid ne le regrettent pas”.
Pire, pour ceux ayant franchi le pas, l’immense majorité d’entre eux ont même vu leurs revenus considérablement augmenter.
Alors, forcément, difficile de faire avaler une aussi grosse pilule, et énormément de voix se sont levées pour mettre en lumière ces interprétations un chouïa biaisées :
Overwhelming majority don't have regrets of jumping to a different job, but your headline focuses on the minority?
— lawhawk #vaxxedforfamilyandcommunity (@lawhawk) August 14, 2022
Way to misinform the masses.
The reality is people have been undervalued and under compensated for far too long. Record profits show businesses put profits first
Lol. Look, I'm bad at math, but that's less than a third by my count... and it means that basically *almost* 3/4 of respondents are very happy they dumped their old jobs.
— twice boosted warrior rabbit (@warriorrabbit) August 12, 2022
What kind of weird framing is this? Your pro-business, pro-boss bias is certainly leading you astray.
En fait, c’est assez simple : quasiment tous les concepts ayant contribué à l’amélioration des conditions des salariés se sont confrontés à la résistance (plus ou moins sévère) d’un univers corporate déterminé à ne pas laisser le monde de l’après-Covid imposer de nouveaux standards.
Qu’il s’agisse de grande démission, de quiet quitting, de télétravail, de hustle culture… Toutes les réflexions visant à bousculer le statu-quo se sont vues attaquées par certaines figures de l’entrepreneuriat, certaines entreprises, certains médias.
Mais le fait même que cette contre-attaque, ce mécanisme de défense s’enclenche aujourd’hui, après des décennies de déséquilibre décomplexé, est peut-être le signe le plus évident que cette fois-ci, quelque chose est réellement en train de changer.
Au point où les dépositaires du monde d’avant se sentent réellement en danger.
Le télétravail, c’est peut-être la mascotte ultime du monde du travail post-Covid.
Dans 5 ans, toute l’ambiance actuelle sera remisée au statut d’anecdote, au point où approximativement 50.000 humoristes créeront des sketchs plus ou moins embarrassants commençant par «vous vous souvenez de l’époque où on bossait tous les jours dans un bureau ?».
Et tout cela parce qu’un jour, un type a voulu pimenter son quatre-heure avec du pangolin.
« La performance augmente, les collaborateurs sont plus heureux, mais pourquoi donc les directions continuent leur cabale et insistent aussi fermement pour un retour généralisé des collaborateurs au bureau ? »
Le fait est que le télétravail a révélé toute l’appréhension qu’ont certains exécutifs sur une autonomie totale accordée à leurs employés. Si bien que face à l’obligation légale (et morale) d’adopter le système, les premières actions menées furent souvent l’adoption de mesures intrusives de micromanagement, pour reprendre un contrôle jugé comme balbutiant.
Malheureusement, toutes les études démontrent qu’une bonne partie des salariés sont plus à l’aise chez eux que dans un open space. Et la productivité, annoncée en PLS pendant les confinements, a au contraire explosé.
La performance augmente, les collaborateurs sont plus heureux, mais pourquoi donc les directions continuent leur cabale et insistent aussi fermement pour un retour généralisé ?
Car, à l’instar du traitement de la grande démission, le consensus concernant le remote continue de s’altérer selon les sources. Si bien que pour Malcolm Gladwell, journaliste et écrivain, les bienfaits du télétravail sont “une manipulation de notre propre cerveau”.
Même son de cloche chez les cavaliers de l’apocalypse des médias business : chez Yahoo Finance, on s’emporte et se désole sur la volonté de la Gen Z d’avoir une vie qui ne tourne pas à 100% autour de son emploi.
Cette première bataille, le monde d’avant l’a pourtant perdue. Malgré les tentatives répétées d’un retour forcé (et la vague de démissions qu’elles ont engendré), les entreprises ont globalement dû céder, ou sont sur le point de le faire face à leurs difficultés de recrutement et de rétention.
Mais ça, ce n’était que le début.
Si le quiet quitting a su s’imposer comme le tube de l’été, son traitement par les parties prenantes a lui aussi été une source de division.
Entre émancipation de la classe populaire ou ode à la paresse, tout le monde y est allé de sa propre interprétation, tout en gardant les deux camps parfaitement opposés. Et forcément, du côté des médias finance, le concept de démission silencieuse n’a pas vraiment été accueilli avec des bras grands ouverts.
Sur Fox Business (encore), un article à charge compare le mouvement à une épidémie incontrôlable : un virus contaminant les salariés, ruinant le marché, et parasitant la morale générale de la force de travail. Rien que ça.
Des conseils sont même échangés pour gérer les fauteurs de troubles, notamment via l’implication des RH, ou la rédaction d’avertissements avant-coureurs, supposés servir de bases concrètes lorsque viendra le moment de mettre tout ce petit monde à la porte. Ambiance.
D’autres arrivent même à creuser encore plus profondément, en se lançant dans d’étranges concepts journalistiques comme la nécrologie à l’envers. Sur The Hill, Gene Marks, entrepreneur et contributeur régulier chez Fox Business, CNBC et MSNBC -comme on se retrouve- se remémore certains souvenirs de sa défunte grand-mère, démissionnaire avant l’heure, et qui l’a visiblement payé de sa vie. Morceau choisi :
« Bien sûr, le comportement de ma grand-mère (ainsi que celui de bon nombre de ses collègues) n’était, à l’époque, pas appelé “quiet quitting”. On parlait plutôt d “être un employé médiocre”. Une autre époque. L’expression a changé, pas le concept. »
En France, le ton est bien plus mesuré, même si l’angle attaqué par beaucoup de commentateurs vient justement révéler l’incompréhension du sujet.
On parle par exemple de remotiver les collaborateurs “détachés”, de combattre la tendance, d’identifier les quitteurs, ce qui est finalement hors sujet.
Car les enjeux sont bien plus profonds que cela. Il ne s’agit pas de panser des plaies qui saignent encore, mais de redéfinir notre relation même au travail, en sortant de la culture du zèle implicite.
En voulant corriger un problème qui n’existe pas, on ne fait donc que démontrer son envie de maintenir le statu quo, et donc le monde tel qu’il était avant.
On pourrait se poser la question “pourquoi une réaction si véhémente ?” si, au final, les objectifs de croissance et de productivité sont atteints, voire dépassés. Pourquoi ce combat si les avancées en matière de flexibilité du lieu de travail, de QVT, d’équilibre vie pro / vie perso amènent une certaine sérénité chez les collaborateurs, qui finissent par surperformer dans leurs tâches au quotidien ?
Paradoxalement, aller contre ce flux de nouvelles ambitions, c’est aller contre la rentabilité, uniquement pour maintenir un certain contrôle. Car il s’agit bien de cela : du constat d’un contrôle qui s’échappe. Littéralement dans le cas du télétravail.
Le fait que le monde du travail arrive à se redéfinir hors des codes traditionnels – et tout en maintenant sa viabilité -, est alors une preuve directe que les méthodes pre-Covid ne sont pas aussi indispensables que ce que l’on pouvait l’imaginer. Et ça, c’est difficile à avaler.
Cette volonté de déconstruire les mouvements avant qu’ils ne prennent trop d’ampleur, elle paraît presque désespérée en réalité.
Car, de facto, elle ne se déploie qu’a posteriori, quand les aspirations sont déjà présentes.
De plus, sans rentrer dans un conflit intergénérationnel, les méthodes de diffusion plébiscitées par les nouveaux arrivants sur le marché de l’emploi sont bien plus efficaces que celles utilisées traditionnellement.
Quand les vidéos avec le hashtag #quietquitting cumulaient des dizaines de millions de vues sur Tik Tok, personne chez CNBC n’avait entendu parler de l’expression. Personne. Mais l’argumentaire avait déjà fait mouche chez les réels concernés, rendant toute riposte caduque.
Et ce fut la même chose pour le télétravail, désormais indéboulonnable dans la liste des principales attentes des candidats, alors qu’énormément d’entreprises n’ont toujours pas su mettre en place un système carré, efficace et flexible.
Les tribunes libres, les éditos, les posts LinkedIn et les articles de presse sur des plateformes déjà acquises n’ont pas vraiment de portée universelle. Elles confortent celles et ceux déjà acquis aux causes qu’elles défendent, mais elles ne convertissent personne. Contrairement aux procédés du camp de l’opposition.
Pour l’ancien monde, c’est un peu un combat perdu d’avance.
Même si, paradoxalement, il reste nécessaire de le mener.
Parce qu’au-delà de la volonté d’un retour au passé, cette démonstration coordonnée vient souligner une impuissance inattendue d’un univers qui a toujours dominé les débats.
Jamais le corporatisme n’a vacillé au point de devoir se défendre.
À vrai dire, jamais il ne s’est senti aussi menacé.
Et la défaite qui l’attend – puisqu’elle semble inévitable – pourrait être le premier pas vers une prise de conscience générale. Un mouvement vers l’acceptation des besoins, des exigences, de la culture de l’autre.
Ce qui, il y a à peine 3 ans, était un fantasme absolu.
Tout le monde le sait, Perceval et Karadoc sont deux génies incompris. Autant s’inspirer d’eux si on veut réussir dans la vie.
Les entretiens d’embauche… vus par le cinéma. Cela ne peut que mal finir, non ? Pour en avoir le coeur net, on suit le lapin blanc.
Juste là, bien au chaud entre les parts de galette, les abonnements à la salle de sport perdus d’avance et les régimes de 2 semaines, oui, ici, il demeure un
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