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Entretiens d’embauche et cinéma : clichés ou réalité ?

25 janvier 2023 |

“Dis moi comment tu passes à l’écran, et je te dirai qui tu es”

On le sait, le cinéma adore réécrire la réalité, au point de faire passer tous les chirurgiens pour des top models pendant que des stagiaires louent des lofts à Manhattan. Mais quelle est la vision du grand écran sur le monde du recrutement, et plus précisément les entretiens d’embauche ?

Au ciné, un entretien ce n’est jamais deux personnes qui échangent pendant une heure sur les tenants et les aboutissants d’un job. On n’a pas le temps pour ça, même les recruteurs ne voudraient pas voir ça d’ailleurs.

Non, le septième art utilise la contrainte du temps pour déblayer tout le superflu et ne garder que l’essentiel, quitte à le transformer en cliché. Souvent un moment désagréable, déséquilibré et/ou très opaque pour le candidat. Bref, un mauvais moment à passer.

Regardons en détails ces différents clichés pour en tirer des enseignements.

Les trois frères : le blues du demandeur d’emploi

Dans l’œuvre culte des Inconnus, le personnage de Pascal retourne sur le marché du travail après avoir perdu son emploi (pour une question d’art abstrait et de montgolfières), l’obligeant à passer des entretiens.

Le film a précédemment établi que Pascal était un cadre supérieur plutôt compétent, assez privilégié et clairement qualifié (comme le recruteur l’affirme dans la scène). Ce qui n’est visiblement pas assez pour triompher de la perception négative qu’on a d’un demandeur d’emploi.

Le cliché
Les chômeurs et leur employabilité.
Être au chômage renvoie une mauvaise image, ce qui fait que l’on a encore moins de chances d’être recruté, et que l’on reste donc au chômage…

Pourcentage de véracité du cliché :

92%.

La discrimination sur la situation est réelle et accentue encore plus les disparités. Dans notre test sur les biais cognitifs dans le recrutement, plus de 60% des répondants avouent ouvertement privilégier les candidats actuellement en poste, face aux demandeurs d’emploi. Un peu comme ce restaurant bondé avec la queue devant qui attire plus qu’un restaurant vide.

Même son de cloche du côté du Défenseur des Droits, où une étude du gouvernement a démontré que “les personnes au chômage sont proportionnellement nettement plus nombreuses à déclarer avoir été discriminées dans les 5 dernières années (53 %) que les salariés du secteur public (32 %) ou du secteur privé (30 %)”.

L’axe carte Inversion Uno
La scène fait clairement écho à un autre moment du film, où les rôles sont inversés : Pascal -alors en poste- fait passer un entretien à une personne qu’il expédie pour un motif encore plus scandaleux : les résultats d’un bilan sanguin.

Un côté arroseur arrosé que l’on voudrait vraiment analyser comme l’illustration du retour de bâton qui attend les entreprises aux mauvaises méthodes (mais on n’osera pas).

L’autre cliché qui suit les mêmes vibes
Le légendaire “On me recale partout car je n’ai pas d’expérience du coup comment je suis censé acquérir de l’expérience pour qu’on me recale plus ?“ un peu trop bien connu des profils juniors et des étudiants.

À la recherche du bonheur : Will Smith distribuait déjà des baffes symboliques

Dans la comédie dramatique de Gabriele Muccino, Will Smith est un père désabusé qui tente par tous les moyens de se sortir de la misère, pour donner une chance à son fils.

Alors qu’il obtient enfin l’opportunité de décrocher le job de ses rêves, il se retrouve pris de court, et arrive à l’entretien en retard, et couvert de peinture dans ses habits du dimanche…

…sauf qu’il s’en sort miraculeusement à l’aide d’une réponse improbable.

Le cliché
Il suffit d’un mot drôle ou malin pour totalement faire changer la donne et convaincre ses interlocuteurs.

Pourcentage de véracité du cliché :

15%.

Dans la réalité, ok, le recruteur rigolera sûrement à la blague, mais rarement au point de donner une seconde chance au candidat.

Ou peut-être uniquement pour les postes de commerciaux.

L’axe philosophique
En réalité, le fait que Will Smith arrive à un entretien d’un job très “formel” habillé en punk à chien, à la minute où son excuse est valable, est-ce vraiment important ? Est-ce que cela remet en question ses compétences pour occuper le poste ?

(Vous avez 4 heures)

Le diable s’habille en Prada : le face à face recruteur / candidat

Dans ce film de David Frankel (adaptation du roman de Lauren Weisberger), Andy décroche son diplôme de journalisme et débarque à New York, pleine d’ambition et déterminée à trouver son premier job !

Elle se retrouve vite face à un entretien plein de discriminations et une future cheffe caractérielle et difficile à satisfaire.

Le cliché
Le recruteur très hautain envers le candidat, qui lui essaie tant bien que mal de réussir son entretien.

Pourcentage de véracité du cliché :

15%

L’image type du patron souffre-douleur qui n’a aucun, mais alors aucun problème à afficher son mépris publiquement et ouvertement.

Et puis un patron comme ça n’a pas de temps à perdre à faire passer un entretien.

L’axe qui finit bien
Finalement, le fait que Andy n’ait pas réellement d’expérience dans le milieu de la mode est-il important ?

Eh bien non ! Andy dispose de toutes les compétences (hard skills) nécessaires au poste, et surtout, elle est déterminée.

Et puis bon, si vous avez vu le film, vous savez qu’à la fin … et sinon bonne découverte !

Shining : Jack Nicholson est confronté au plus gros red flag de tous les temps

Shining est sorti il y a 40 ans et pourtant, il continue de faire figure de référence lorsqu’on parle de films d’horreur.

L’histoire commence lorsque Jack Torrance (interprété par Jack Nicholson) est reçu pour un entretien d’embauche dans le bureau du directeur de l’hôtel Overlook. Celui-ci le prévient que Charles Grady, un précédent gardien, a sombré dans la folie durant l’hiver 1970-71. Devenu subitement fou, il massacra sa femme et ses deux filles à coups de hache. Jack semble totalement indifférent face aux révélations du recruteur, il prétend même que cette solitude lui semble propice pour commencer un nouveau livre et que sa famille va adorer le lieu.

Le cliché
Le candidat naïf qui arrive en entretien d’embauche la fleur au fusil et qui fait mine de ne pas voir les red flags du poste. Il doit remplacer l’ancien titulaire du poste car celui-ci a massacré sa famille.

Pourcentage de véracité du cliché :

1 %

Hellooooo, Waaaake up !

Qu’on soit bien clair, cette situation où le postulant est totalement insouciant face à de telles révélations arrive seulement dans les films d’horreur…

L’axe réaliste
Dans la réalité, pour ne pas finir comme Jack, il faut bien entendu prêter un œil attentif à tout signe douteux. Même si là on ne parle pas vraiment de signe, mais plutôt d’une grosse claque.

En tant qu’entreprise en revanche… Si vous bossez pour un hôtel qui rend fou, le choix de divulguer ou pas l’information est un dilemme qui peut se comprendre… Alors respect au recruteur finalement.

Intouchable : L’art de cartonner en entretien sans références ni motivation

Philippe, un riche aristocrate devenu tétraplégique après un accident de parapente va engager Driss, un jeune homme d’origine Sénégalaise tout droit sorti de prison, comme auxiliaire de vie à domicile. Le film raconte la relation exceptionnelle entre un aristocrate millionnaire et un jeune des banlieues qui mène une vie assez tourmentée.

Le récit s’ouvre ainsi sur Driss qui se rend chez Philippe dans l’espoir de passer un entretien pour le poste d’aide à domicile. Cependant Driss n’est pas vraiment intéressé par ce travail, il souhaitait simplement faire signer un papier qui lui permettrait de toucher ses Assedic. À sa surprise, il est embauché par Philippe pour un mois à l’essai.

Les clichés
Cette scène montre parfaitement le cliché des codes d’un entretien d’embauche.
Tout d’abord la tenue vestimentaire, on observe que tous les candidats se sont mis sur leur 31, ils sont tous très chics sauf Driss qui lui, a préféré venir en jean basket pour son entretien. Ensuite, nous assistons à un enchaînement de rencontres qui se déroulent toutes selon le même schéma de question :”Quelles sont vos références ?” ou encore “Quelle est votre principale motivation ?

Ce qui est frappant, c’est l’idée que les gens ont de l’entretien où les postulants ont l’impression qu’il ne s’agit pas d’un échange mais plutôt d’un examen où l’on doit donner la bonne réponse pour être embauché.

Enfin, le dernier cliché que l’on retrouve ici c’est lorsque, contre toute attente, un candidat arrive à obtenir un poste alors que celui-ci n’a à aucun moment évoqué ses références professionnelles (en l’occurrence Driss préfère faire part de ses références musicales) ni ses motivations.

Pourcentage de véracité du cliché :

90 %

Et oui, l’entretien est biaisé. Il faut s’habiller comme ça, dire ça, et surtout ne pas dire ça pour avoir le job. On verra après comment garder le job plus tard. 

Les entretiens sont inégalitaires, celui qui aura le job sera celui qui aura cerné le mieux les attentes du recruteurs. Et tant pis si elles sont à l’opposé de sa vraie nature et de ses aspirations.

L’entretien, c’est une partie de Poker menteur entre postulants et recruteurs.

L’axe humain
Ce qui est intéressant dans cette scène, c’est le fait que finalement, le candidat parfait est celui qui s’est détaché du corporatisme, comme pour révéler à quel point les formalités sont inutiles pour découvrir le potentiel d’un prospect.

Et ça, Driss l’a forcément compris, c’est à partir du moment où Philippe intègre l’idée que l’interaction devient enfin humaine, et donc efficace.

Exam : Quand les candidats sont prêts à tout mais alors vraiment tout pour obtenir un poste

Pour sa dernière épreuve de sélection, une puissante entreprise décide d’avoir recours à un entretien quelque peu… étrange en donnant à ses candidats une feuille blanche en guise de sujet. En effet, ceux-ci ont 80 minutes pour répondre à une question.

Cependant, il y a trois règles à respecter : ne pas parler au surveillant, ne pas abîmer sa feuille, ne pas sortir. Dans ce cadre, tout est permis. Il n’y aura qu’un élu, et qu’une seule place au point de tricher, manipuler, torturer et peut-être même tuer.

Les clichés
Une boite puissante qui se croit  légitime de traiter ses candidats comme des cobayes humains.

Des entretiens barrés basés sur des concepts et/ou questions farfelues façon startup nation.  

Les candidats qui sont prêts à tout donner quelles que soient les conséquences pour obtenir un  poste.

Pourcentage de véracité du cliché :

20 %

Coucou les entretiens en groupe.
Coucou les questions sur les balles de tennis et les avions.

Coucou Hunger Games et Squid Game.

L’axe psychologique
Ce film nous interroge sur les limites de la condition humaine : sommes-nous prêts à tout pour montrer notre motivation ?

Le nombre de candidats diminue et des moyens impensables sont dépensés pour trouver la perle rare. La déshumanisation que subissent les héros pour un simple travail fait froid dans le dos. Mais la fin justifie-t-elle les moyens ?

Côté candidat, est-ce qu’il faut vraiment être prêt à tout pour montrer sa motivation ? Est-ce que l’entretien devient un but en soi et on perd l’objectif final ?

(vous avez quatre heures)

Ciné et entretiens d’embauche : une affaire de point de vue

Pour finir, que peut-on retirer des scènes d’entretiens au sein des productions audiovisuelles ?

En plus de “pas grand chose” on entend.

Bon, déjà, que les clichés ont la dent dure. Mais malgré tout, ils restent un bon indicateur pour jauger les comportements les plus extrêmes à éviter. Cela paraît évident, mais… est-ce que ça l’est vraiment ?

On le voit avec l’exemple des Trois Frères ou celui d’Intouchable : il s’agit d’exagérations basées sur des perceptions bien réelles, et toujours d’actualité.

Du coup, on peut se servir de ça pour faire évoluer les méthodes.

Et faire en sorte de ne plus donner de munitions gratuites aux réalisateurs et scénaristes.

Entretiens d’embauche et cinéma : clichés ou réalité ?
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