Les vocaux de … [Ep.32] Olivier Milcent (DeepReach) : le Use Case au service du recrutement et de l’expérience candidat
Les vocaux, ce sont de courtes interviews de personnalités qui font bouger le monde des ressources humaines.
Aujourd’hui, on parle de Use Case, mais pas avec n’importe qui : Olivier Milcent, CMO de DeepReach. Et pour la première fois, j’échange avec un Hiring Manager !
La recette pour un Use Case efficace et qui améliore l'expérience candidat
J’ai écrit à Olivier sur Linkedin après avoir écouté son intervention dans un podcast, il y parlait de marketing mais il racontait aussi comment il recrutait et les Use Cases -ou cas pratiques- qu’il proposait.
Il a accepté de m’en dire plus.
Le Use Case a souvent mauvaise presse auprès des candidats car : ces cas demandent beaucoup de temps avec des consignes vagues et on n’a jamais de feedbacks constructifs sur notre travail, que l’on ait le job ou non.
Olivier n’est pas d’accord, il en fait passer depuis 10 ans et fait en sorte que le périmètre, les tenants et les aboutissants soient clairs pour tout le monde :
1. Il sait ce qu’il veut évaluer
– Des compétences attendues
– Dans un temps imparti : 2 heures. Parce que dans la vraie vie on n’a pas le temps et que ça permet de proposer les mêmes conditions à tous les candidats : en poste ou non.
2. Il sait ce qu’il NE veut PAS évaluer
– Il donne des consignes claires sur le livrable attendu : un mail ou un document brut si aucune compétence graphique n’est demandée.
– Le candidat n’aura pas toutes les informations : « on sait très bien, et on lui dit, qu’il n’est pas dans la boîte et que ce n’est pas grave s’il tape à côté. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment il réfléchit et ce qu’il connaît. »
3. Il sait à quel moment il faut le faire
En shortlist, après l’évaluation des soft skills, quand il n’y a plus beaucoup de candidats, pour s’assurer qu’il donnera un retour de qualité.
Côté postulant, ce Use Case peut améliorer son expérience candidat :
– Il a le choix : il choisit quand il veut faire le Use Case et Olivier n’a plus qu’à programmer le mail.
– Il n’y passe pas des jours : 2 heures et c’est tout, pas besoin de poser une journée, de faire une nuit blanche, même si on n’est pas en poste.
– Il se projette dans ses futures missions : sur le fond et la forme, on est dans les conditions du direct. C’est aussi pour lui le moment de savoir s’il peut s’y plaire.
– Il a un vrai retour de qualité : c’est l’étape qui vient juste après et elle est obligatoire.
– Le parcours de recrutement est rapide : moins d’étapes, les bonnes personnes au bon moment et le processus dure un mois maximum. Emballé c’est plié.
INÈS
Salut Olivier, j’espère que tu vas bien ?
Tu es directeur marketing dans une boîte qui s’appelle DeepReach et je suis super contente de t’avoir dans les vocaux de YAGGO puisque c’est la première fois que je reçois un hiring manager, donc un manager qui recrute.
Je voulais parler avec toi des cas d’usage dans le processus de recrutement.
Je sais que tu y es attaché et ma première question est :
pourquoi le cas d’usage est indispensable quand tu recrutes quelqu’un pour ton équipe ?
OLIVIER
Bonjour Inès, je suis Olivier, je suis CMO de DeepReach et ça fait longtemps que je gravite dans le digital et le B-to-B.
J’ai eu l’occasion de recruter de nombreux professionnels du marketing, que ce soit product marketing, brand, digital,…donc avec des cas différents.
Ce qui est toujours important pour moi, c’est de capter en même temps les soft skills, ce que je fais plutôt en début de parcours, dans les premiers entretiens, et d’avoir une vraie évaluation des hard skills.
Pour ça, j’ai une bonne pratique que je mets en place depuis plus de dix ans, qui est de faire des cas d’usage très cadrés en termes de temps et en termes de scope, pour être certain que tout le monde ait la même chance de concourir et de donner le maximum dans un temps donné.
INÈS
Et concrètement, à quel moment du parcours tu vas proposer à tes candidats de réaliser ce cas d’usage ?
OLIVIER
Et quelles limites temporelles tu vas donner à tes candidats ?
Alors moi, je le fais toujours en short list.
La short list peut arriver après un premier passage du recruteur pour les premiers CV et un premier call de moi en général qui est assez rapide, qui dure 20/30 minutes maximum,
là je vais plutôt échanger, présenter la boîte et essayer de la vendre.
Et de vendre la mission pour avoir les meilleurs profils et les engager tout de suite.
Donc le cas d’usage va arriver sur une short list de quatre à six personnes, c’est l’idéal.
En général c’est plutôt quatre.
Ce qui est compliqué, c’est de les faire arriver à peu près en même temps.
Donc il faut avoir les CV qui ne s’écoulent pas sur trop de temps.
C’est arrivé d’avoir, des recrutements qui durent deux mois parce qu’on voit des CV de qualité qui arrivent, donc on se laisse un peu plus de temps.
Mais ces Use Cases ont l’intérêt de les mettre tous sur le même pied d’égalité.
Je leur donne, en général 2h, un petit peu moins si je le fais avec des stagiaires, parce que ça m’arrive de le faire aussi avec eux.
Sur un poste normal, je donne 2h et c’est aux candidats de choisir quand est-ce qu’ils veulent le faire.
Un candidat me dit par exemple : moi, ça va être le dimanche de 18h à 20h donc je programme mon email qui est prêt pour partir à 18h.
Il a le sujet, et à 20h il faut qu’il rende sa copie.
Ça a un gros intérêt !
Tout le monde fait souvent des cas d’usage, mais moi j’y ai vu un gros biais :
c’est qu’il y a des gens qui sont en poste, qui ont une vie de famille, qui n’ont pas beaucoup de temps.
Il y a des gens aussi qui sont sur sollicités et quand on leur demande un Use Case où ils savent qu’ils vont passer trop de temps, ça va les refroidir.
Et puis il y en a qui ne sont pas en poste et qui ont tout leur temps, et qui eux, peuvent faire un cas d’usage de folie, parce qu’ils n’ont que ça à faire toute la semaine et qu’ils ont envie de se battre.
C’est très bien, mais du coup tu ne vois pas trop la différence entre les différents candidats, donc le fait de les encadrer sur la durée, c’est le meilleur truc que j’ai trouvé.
Après la difficulté, c’est d’avoir un scope qui va me permettre de regarder ce que j’ai vraiment envie de regarder, ça va dépendre des postes.
Il y a des postes où la composante graphique et artistique va être un peu plus importante. Là, je vais demander un petit travail de présentation, même si c’est court.
J’essaie de m’imaginer ce que moi je serais capable de faire en 2h, là ou dans d’autres cas par exemple, je leur demande juste un email ou un texte brut.
Ça m’ira très bien.
Et pendant ces 2h, l’intérêt c’est qu’ils vont sortir tout ce qu’ils ont dans le ventre en termes de connaissances.
Ils ne vont pas forcément avoir le temps d’aller rechercher les sources, de s’auto-former pour apporter les bonnes réponses.
Ils vont être pris par le temps et donc ils vont devoir sortir la même chose que je leur demanderais s’ils étaient dans mon équipe.
Et ça, c’est très révélateur.
Je base vraiment mon évaluation des hard skills à ce moment-là, beaucoup plus qu’avant et qu’après.
Je reçois les Use Cases et là, je fais un débrief, en général, avec plusieurs personnes.
Ça permet de se rendre compte par exemple avec une autre personne
dans mon équipe, avec quelqu’un de l’équipe commerciale ou avec quelqu’un de l’équipe produit.
Comment la personne va interagir avec le candidat ?
C’est bien de le faire en groupe aussi, ça donne une dimension d’équipe, je trouve ça toujours sympa pour le candidat.
Et puis ça permet de raccourcir le temps de recrutement parce que ce qu’il y a de pire aussi,
c’est de passer des entretiens à la pelle et de se répéter à chaque fois.
Je trouve que c’est très nuisible pour l’expérience candidat.
Deux ou trois personnes qui débriefent le cas d’usage et qui permettent d’aller sur une short list de 2 personnes que je présente à mon CEO pour valider le résultat final.
En général, je ne donne pas d’indication mais dans la plupart des cas, le meilleur candidat se révèle de lui-même à cette occasion-là.
INÈS
Je sais que les candidats ont une relation un peu particulière avec les cas d’usage ;
je pense que d’un côté ils trouvent qu’effectivement c’est utile pour se projeter, pour montrer ce qu’ils valent, etc.
De l’autre côté, il y a une grosse peur de faire du travail dissimulé, on l’a vu plusieurs fois, ou de rendre un travail de qualité sur lequel on a passé du temps pour lequel on n’a pas de feedback.
Ce qui fait que, côté candidat, tu repars avec rien du tout, même si tu n’es pas pris.
Donc là, ce que ce que tu viens de nous dire, c’est que tu as intégré cette partie feedback dans l’étape d’après qui est obligatoire.
Sur le contenu même du use case, comment tu arrives à le cadrer et à le rendre vraiment très réaliste ?
OLIVIER
Je comprends la crainte de se dire : je vais faire du travail dissimulé, je fais toujours attention à ça, même si c’est difficilement contrôlable.
Ça va dépendre des candidats. Je pense que ça révèle aussi un état d’esprit du candidat.
Je fais plutôt des cas d’usage sur ce qui va arriver, je trouve ça plus intéressant que de prendre un truc qu’on a déjà fait.
Par exemple, je vais dire : une des ambitions de votre futur job est de faire tel type de projet avec tels types de contraintes, comment vous vous y prendriez ?
Comment vous mesureriez ? etc.
Je cadre une partie de la mission sur un exemple concret, parce que je trouve que ça permet de se projeter dans le poste, donc ceux qui craignent de faire du travail dissimulé en général, ce ne sont pas les meilleurs, ce sont des gens qui vont avoir du mal à partager.
Globalement, on a déjà nous une bonne idée de ce qu’on veut faire donc c’est plus pour voir s’ils élargissent un peu le champ.
C’est très rare qu’on tombe sur un Use Case où on se dit : ah ouais, ça, on n’y avait vraiment pas pensé, on va le piquer et on ne va pas le retenir.
En général, ceux qui ont des bonnes idées, ce sont ceux qu’on retient.
Mais oui, il faut les rassurer à ce niveau-là, je comprends.
Moi c’est plutôt sur un scope qui va venir, un grand sujet et qu’on a besoin de tacler.
Je pense qu’il faut rester un peu généraliste parce que le but c’est aussi de tester les hard skills. Il ne faut pas qu’on soit trop précis, on prend un sujet un peu global.
Par exemple, récemment, j’ai recruté un product marketing.
Et c’était : on veut se développer en Angleterre, voilà les contraintes.
Voilà exactement une des audiences auxquelles on veut s’adresser.
Comment vous vous y prendriez pour définir la bonne proposition de valeur ? Quel go to market vous feriez ? etc.
Donc des questions assez classiques par rapport à son poste, dans le cadre qui lui permet de se projeter.
Puis on débriefe, on sait très bien, et on lui dit, qu’il n’est pas dans la boîte et que ce n’est pas grave s’il tape à côté.
Ce qui est intéressant, c’est de voir comment il réfléchit et ce qu’il connaît.
ça va permettre, lors du débrief, de recadrer ça par rapport au projet d’entreprise, aux valeurs de l’entreprise, à sa mission et à sa place dans l’équipe marketing.
Et de voir ce qui a bien fonctionné, là, on corrige un peu et surtout, on va creuser des choses qui nous paraissent soit intéressantes, soit un peu faibles dans sa réponse pour voir si justement il lui a manqué du temps, s’il a besoin de développer certaines parties ou si sur ses points forts, il est aussi fort dans d’autres sujets qu’on pourrait essayer d’amener dans l’année qui arrive.
Cet entretien, ce débrief en général dure une bonne heure et c’est pour ça que j’implique aussi différentes personnes.
Selon les cas de figure, chacun pose ses questions et chacun peut se faire un avis plutôt précis du candidat.
Moi, le côté technique et le côté humain, du coup, on l’a validé et on peut tous se faire un retour à ce moment-là.
On a tous vécu le même entretien de ce petit groupe et c’est intéressant parce qu’il y a des jours où les candidats sont bons et puis on ne sait pas pourquoi, le jour d’après, ils sont moins bons.
C’est comme en sport ou dans plein de disciplines.
Là, on a tous vécu la même chose et ça nous permet de proposer les deux ou trois meilleurs candidats.
INÈS
Dernière question, tu me disais que pouvoir recruter rapidement, c’est aussi le nerf de la guerre pour ne pas perdre de candidats en cours de route.
Avec toutes les étapes dont tu nous as parlé qui permettent de vraiment valider les points qui sont importants pour toi, tu arrives à avoir un processus de recrutement en combien de temps ?
OLIVIER
J‘essaye de faire tenir ça en un mois on va dire.
On publie l’offre, on a des premiers CV, les premiers entretiens avec en général soit moi, soit le recruteur ou le recruteur et puis moi derrière. Ça se fait en une semaine ou dix jours.
La délivrance du Use Case jusqu’à une semaine et puis après trois ou quatre jours, le débrief. Donc on est dans les 20 jours.
Après, pour la short list, j’en amène deux ou trois au CEO.
Et ça, c’est calé un peu à l’avance parce que ce sont des agendas qui sont toujours un peu compliqués.
On arrive à peu près à un mois et pour moi, c’est vraiment un critère très important : la rapidité.
Parce que c’est aussi le respect du candidat et c’est le meilleur moyen de ne pas se faire prendre des candidats qui se voient proposer des offres par d’autres recruteurs.
Et c’est vrai que j’ai assez peu de candidats qui m’ont dit non en finale justement parce qu’on durait.
J’ai vu plein de pleins de processus de recrutement ailleurs, chez des amis où ça prenait trop de temps.
C’est le pire des cas ! Faire tout le travail et de se faire voler un candidat parce qu’on ne va pas assez vite.
Je trouve qu’il y a encore beaucoup trop de recrutement où je vois six ou sept étapes.
Je sais que c’est très prisé par plein de start-ups et de boîtes.
Je trouve ça trop long ! Je pense qu’on peut très bien se faire un avis.
Ce qu’il faut, c’est regrouper les personnes au bon moment, notamment dans la restitution du Use Case.
Et il faut aller vite, c’est important.
INÈS
Merci beaucoup Olivier pour ton temps et à bientôt !
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